The Butcher Boy Review
by Phil St-Germain (philgal AT videotron DOT ca)November 19th, 1998
The Butcher Boy
Comédie dramatique
** (sur *****)
1998, 108 minutes
Réalisé par Neil Jordan
Mettant en vedette Eamonn Owens, Stephen Rea, Fiona Shaw, Alan Boyle, Aisling O'Sullivan, Andrew Fullerton, Sinead O'Connor
Écrit par Patrick McCabe et Neil Jordan (inspirés d'un roman de McCabe) Produit par Stephen Woolley et Redmond Morris
Le réalisateur Neil Jordan, fort d'une feuille de route plutôt variée (The Crying Game, Interview With The Vampire), met en
scène en The Butcher Boy un film qui tient à mêler des
dizaines de genres. Le style visuel cauchemardesque mais magnifiquement coloré, en plus du voyage violent effectué par
son personnage principal, tente de visiter le monde inoubliable de l'infiniment supérieur A Clockwork Orange, de Stanley Kubrick; l'accent piquant et l'humour assez noir viennent tout droit de la troupe Monty Python, parmi d'autres sources (certains ont cru bon de souligner des parallèles avec Les 400 coups et Amarcord, allusions
à mon sens totalement incompréhensibles). Un long métrage
aussi polyvalent comporte sa part de risques: il peut nous enchanter en nous présentant des péripéties fortement contrastées,
mais il suffit que le traitement soit légèrement déficient
pour que le tout ait l'allure d'un incroyable fouillis. C'est malheureusement le cas de Butcher Boy, une comédie dramatique disjonctée qui a pourtant une certaine part de charme (bien que le terme ne soit pas tellement approprié dans ce cas précis).
The Butcher Boy prend place au début des années soixante en Angleterre alors que tous les habitants vivent dans la crainte qu'une bombe atomique éclate. La puissance grandissante de l'armement nucléaire avait tôt fait d'inquiéter les habitants. Le
personnage principal du film est Francie Brady (Eamonn Owens), un garçon de douze ans qui se veut en quelque sorte le «dur du quartier». Il éprouve beaucoup de plaisir lorsqu'il effraie les enfants du coin avec son ami Joe (Alan Boyle). Leur principale cible est Philip (Andrew Fullerton), un jeune adolescent particulièrement timide. Qui plus est, sa mère, Mrs. Nugent (Fiona Shaw), est l'ennemie jurée de Francie qui ne rate jamais une occasion de se farcir sa tête. D'ailleurs, elle est selon lui responsable de tout ce qui va mal sur la Terre. Sa vie familiale est tout aussi tumultueuse: sa mère (Aisling O'Sullivan) est bien près d'une dépression nerveuse (on se prépare à l'envoyer à
l'hôpital - ou au «garage», selon le terme courant - pour
réparer les pots cassés) et son père (Stephen Rea) est
fréquemment saoul et violent envers ses proches (sa réputation
du «plus grand buveur de la ville» ne ment pas). Ces lignes
semblent faire de Francie le produit typique d'une famille dysfonctionnelle, mais certaines de ses caractéristiques nous poussent rapidement à penser autrement. Plus il rencontre de nouveaux obstacles, plus sa furie et sa paranoïa générale
prennent de l'ampleur. Il se détache de plus en plus de son caractère d'enfant pour épouser celui d'un véritable
monstre. Et il est prêt à aller bien loin pour assouvir sa soif
de pouvoir et de vengeance...
Le générique du début est bien imaginé: c'est sur un fond
de bande dessinée que l'on fait défiler le nom des artisans de Butcher Boy. Or, c'est précisément le ton d'une bande
dessinée que Jordan utilise pour nous présenter son film:
plutôt qu'un drame dévastateur, il s'agit d'une comédie
très noire aux accents tragiques. Le traitement n'est pas suffisamment convaincant, cependant: on peut croire que les cinéastes ne tiennent pas coûte que coûte à ce que l'on
prenne les péripéties (pourtant graves) au sérieux... mais devons-nous en rire? Les occasions de le faire sont rares. Il y a définitivement de l'humour dans The Butcher Boy, mais c'est un
style grinçant qui a tendance à tourner en rond et à
décrire à l'aide de gros traits (l'humour sarcastique de
Clockwork Orange se voulait plus drôle, plus inconfortable - bien plus solide). En tout et partout, nous ne savons pratiquement jamais sur quel pied danser, ce qui rend notre expérience
cinématographique relativement frustrante.
Un facteur vient rendre plus précaire l'histoire du film: la narration. The Butcher Boy est l'un de ces longs métrages au cours desquels le protagoniste central s'adresse à l'auditoire pendant toute la durée avec un ton cynique et hautain (me rappelant de douloureux souvenirs du film The Opposite Of Sex). La seule porte de sortie à une telle entreprise? Des monologues constamment intéressants et non répétitifs. Quelques passages
énoncés par le narrateur sont bien troussés (incluant la
description qu'il fait de certains personnages), mais en
général, c'est plutôt exaspérant. Trop vivant et
énergique pour son propre bien, il alourdit plusieurs scènes, et
ses conversations avec Francie sont trop convenues pour être
hilarantes.
Poursuivons donc dans la même veine: l'atmosphère ne m'a pas entièrement plu. Certes, l'équipe technique a réussi à
instaurer un climat mystérieux, et l'aspect visuel du film est régulièrement impressionnant. Mais à quoi sert une magnifique
table de billard pour celui qui n'apprécie pas ce sport? En
d'autres mots, en quoi cette atmosphère vient-elle rendre The Butcher Boy plus prenant? En visionnant le film, j'ai cru apercevoir le directeur artistique à l'arrière-plan, se tapant dans les
mains en disant «Quel beau boulot!». Je n'ai toutefois pas
aperçu l'efficacité de ce climat.
Mais Neil Jordan étant un cinéaste de talent, il arrive à
nous présenter quelques particules de brillance prévenant The Butcher Boy de tomber abruptement dans le cercle des films totalement ratés: il fait progresser son histoire plutôt rapidement, et
l'ennui trouve très rarement sa place. Il n'est pas coutume qu'un mauvais film ne nous ennuie presque jamais, mais c'est le cas de celui-ci. La performance très habile et naturelle de Eamonn Owens dans le rôle de Francie ajoute un peu de panache à
l'ensemble. Alors qu'un bon pourcentage des très jeunes acteurs
à Hollywood se perdent dans un cabotinage éhonté, Owens garde
son calme tout en rendant Francie horriblement détestable, par moments. Il n'a rien à se reprocher.
En tout et partout, The Butcher Boy est un film qui déçoit énormément. Contrairement à un projet raté dès le
départ, ce long métrage de Neil Jordan se complait à nous
offrir de courtes instances où une qualité considérable vient
se pointer le bout du nez. Malheureusement, c'est seulement pour être rabrouées par des moments plus ternes ou au contraire trop maniérés. Du point de vue technique, l'exécution est fort
solide - mais ça manque de coeur!
Une évaluation de Philippe St-Germain,
Copyright, 1998.
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http://www.geocities.com/SunsetStrip/Stage/3273/index.html
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