Love and Death on Long Island Review

by Philippe St-Germain (philgal AT videotron DOT ca)
November 30th, 1998

Love And Death On Long Island
Comédie dramatique
**** (sur *****)
1997, 93 minutes

Réalisé par Richard Kwietniowski
Mettant en vedette John Hurt, Jason Priestley, Fiona Loewi, Shelia Hancock, Maury Chaykin
Écrit par Richard Kwietniowski (inspiré par le roman de Gilbert Adair) Produit par Steve Clark-Hall, Christopher Zimmer

Comme l'a dit le critique Jonathan Rosenbaum, Love And Death On Long Island est un petit film seulement en apparence: la richesse thématique de la première réalisation de la prometteuse carrière de Richard Kwietniowski se veut aussi - sinon plus - imposante que celle qui forme énormément de longs métrages récents. Maniant de maints thèmes avec un doigté remarquable, Kwietniowski nous sert un film qui se regarde à de multiples reprises, ne fut-ce que pour admirer des détails extrêmement fins qui auraient pu nous échapper au cours du premier visionnement. Sous ses allures bonhommes se cache un coffre-fort d'idées pertinentes.

Le fait que Love And Death On Long Island a été distribué il y a un certain temps déjà (et qu'il se soit fait remarquer par trop peu de gens) rend sa publicité pratiquement nulle à présent, mais il s'agit de l'un de ces films qui s'avèrent quatre, voire cinq fois plus solides que nous l'espérions au départ. Disponibles exclusivement dans les clubs-vidéo n'hésitant pas à débourser de gros sous pour des produits «inusités» et prétenduement «mineurs», ils valent
cependant chaque dollar en nous étonnant par leur totale maîtrise du médium. Si Love And Death On Long Island, d'ici une dizaine d'années, se veut la production la moins efficace du cinéaste Kwietniowski, attendons-nous à un périple haut en
couleurs.

Le scénario de Richard Kwietniowski est inspiré du roman de Gilbert Adler; désirant prendre quelques distance, il laisse tomber le récit à la première personne (sauf à quelque occasions précises). Le personnage principal de Love And Death On Long Island est Giles De'Ath (John Hurt, dans l'une de ses plus brillantes performances), un suave écrivain anglais veuf depuis quelques années qui est le portrait typique du conservateur
maladif. S'opposant à tout ce qui s'approche du mot «progrès», il vit en reclus dans sa spacieuse demeure en Grande-Bretagne. Un soir, il tombe par inadvertance sur la projection d'un long métrage de série-Z intitulé Hotpants College II (il désirait plutôt assister à l'adaptation cinématographique d'une oeuvre renommée). Il est désespéré à la vue des péripéties se déroulant à l'écran et se prépare à
déguerpir, mais l'apparition soudaine de Ronnie Bostock (Jason Priestley), le héros actuel de toutes les jeunes filles des États-Unis, vient changer sa vision des choses: il est subjugué par le jeune homme. Il fera d'ailleurs quelques autres visionnements de ce long métrage simplement pour regarder évoluer le jeune acteur avec plus d'emphase. Suite au film, il commencera à collectionner tout ce qui paraîtra (dans les magazines, les journaux) sur son poulain. Et, surprise, il sortira de sa coquille pour se procurer un magnétoscope (sans savoir qu'un téléviseur est nécessaire). Il fera la location de tous les anciens films (tous terriblement mal exécutés) de Bostock, et sa fascination pour le bel Adonis catapultera en flèche en très peu de temps.

Désirant se rapprocher de Ronnie, il fera un voyage à Long Island, soit le lieu où demeure l'acteur. Ses recherches le mèneront à la copine de celui-ci dans un supermarché, le mannequin Audrey (Fiona Loewi), et il pourra éventuellement rencontrer celui qui anime ses rêves depuis plusieurs mois. Ronnie, impressionné par la maturité et l'intelligence de De'Ath, se surprendra à écouter de plus en plus ses conseils, surtout lorsque l'on considère que l'anglais l'a très haut dans son estime. Giles éprouvera cependant beaucoup de difficulté à taire son affection pour Bostock.

L'élément central de Love And Death On Long Island se veut probablement la rencontre entre De'Ath et Bostock, qui se produit au cours du second tiers, mais ce n'est pas l'unique point intéressant du film. Tout ce qui précède cet instant se déroule quelque peu sous la forme d'une comédie, alors que l'élégant et fier auteur marche sur son orgueil pour s'initier à ce qui divertit bien des jeunes, soit les émissions de télévision, les films un peu osés tournés en quelques jours seulement, et ainsi de suite. Le contraste entre les deux est amusant, mais il serait trop facile de limiter l'efficacité du long métrage à ce seul aspect: le traitement tout entier a plutôt avantage à être abordé si l'on désire réellement explorer les merveilleux moments du film. Le volet comique des situations est extrêmement bien mené par un réalisateur qui sait se placer certaines frontières à ne pas trop approcher; l'humour ne semble jamais très caricatural (ainsi, l'ensemble se veut toujours crédible). En fait, les passages comiques se veulent plus calmes... et plus drolatiques que ce qu'il est possible de retrouver dans un Ace Ventura, par exemple.

J'ai lu à bien des endroits que «Love And Death On Long Island s'affaisse brutalement après que le désir de De'Ath ait
été exaucé». Je n'ai pas dû visionner le même
film. Les gags laissent à ce moment leur place (serait-ce ce qui a choqué les détracteurs du long métrage?) à des
réflexions beaucoup plus profondes, et la thématique s'enrichit de plusieurs sujets fort variés. Comme bien des films de cette qualité, Love And Death On Long Island ne charme pas nécessairement au premier coup d'oeil. Les développements initiaux sont constamment intéressants, mais c'est l'évolution du récit qui nous apporte éventuellement dans des lieux vraiment étonnants. En d'autres mots, je m'attendais à ce que le premier tiers soit plutôt humoristique et entraînant, mais je fus surpris en me rendant compte que le scénario de Richard Kwietniowski touchait à autant de points différents. En visionnant Love And Death On Long Island, le plaisir est constant et le rire est régulier, mais nous assistons également à des réflexions fascinantes sur l'art en général, sur les acteurs, sur les différences culturelles et artistiques entre certains pays, on critique également ouvertement le cinéma américain au détriment des films européens (De'Ath confiant entre autres à Bostock qu'en Europe le succès des films ne se mesure pas en dollars recueillis aux guichets, mais en la puissance de leur impact auprès du public). On aborde aussi les goûts des jeunes, et on critique avec une certaine férocité la «génération
MTV» (formée entre autres des amateurs de Beverley Hills 90210, émission ayant fait la gloire de Jason Priestley, l'un des deux acteurs principaux du long métrage!).

Ronnie Bostock est pour Giles De'Ath ce que l'on appelle communément en anglais un «guilty pleasure»: c'est un peu comme ceux qui, à temps perdu, visionnent des navets pour simplement se dilater la rate (vous croyez que «ceux» exclue nécessairement la personne qui parle? - jetez un coup d'oeil à cette évaluation pour vous persuader du contraire). Mais contrairement à ces personnes, De'Ath trouve un plaisir tangible à regarder ces productions ratées, il les visionne avec une passion incroyable (ne pouvant retirer ses yeux de l'écran pendant la projection) - cette passion fait en sorte que si l'on rit de la mauvaise qualité des films dans lesquels joue Bostock, on éprouve cependant une étrange sympathie pour De'Ath, qui est sincère et honnête dans son attraction indescriptible envers Ronnie.

Il nous est aussi possible de tracer des liens évidents entre les personnages de John Hurt et de Jason Priestley: Hurt joue un anglais intellectuel au goût judicieux en matière de divertissement (alors qu'il a lui-même un vaste expérience au théâtre -
et qu'il partage l'orientation sexuelle de son protagoniste), et Priestley incarne un comédien qui se contente naïvement de rôles très minces dans des émissions somme toute un peu navrantes (ce qui se rapproche énormément de sa véritable situation professionnelle). Leurs dialogues quadruplent ainsi en intensité, puisqu'on pourrait jurer que Hurt livre de véritables conseils personnels à l'inexpérimenté et un peu simple Priestley (critiquant ses choix de rôles, et tentant de l'orienter dans sa carrière future).

Ceci est tout à l'honneur de Jason Priestley, qui aurait pu refuser le rôle d'un trait. Il faut l'admettre: Love And Death In Long Island ne le peint pas sous son meilleur jour. Oui, il est acclamé de toutes part par les jeunes filles, mais son manque de talent est fréquemment souligné (les extraits de ses films sont d'une atroce nullité) - les reproches que l'on fait à son personnage sont souvent celles qui lui sont faites dans la vie courante. Ceux qui visionnent Love And Death In Long Island semblent se faire un devoir de minimiser sa performance en disant qu'il «s'acquitte respectablement de sa tâche», sans plus... mais il y avait-là un défi important à relever, et il l'a fait avec brio. John Hurt mérite également les félicitations qu'on lui a adressées
(il réussit à rendre De'Ath relativement sympathique malgré ses attitudes parfois ridicules et excessivement manipulatrices), et dans un monde loyal il serait probablement considéré comme l'un des finalistes possibles dans la catégorie du meilleur acteur (je dis bien dans un monde loyal).

Un des messages que sous-tend l'intrigue est qu'il est possible de parfois trouver une grande beauté dans des êtres ou des choses qui étaient jusque-là passés inaperçus. Ceci s'applique
à tellement de domaines - incluant à la critique de films - qu'il est parfois bon de se le faire rappeler de temps à autres. Il faut aussi respecter ceux qui vouent une incroyable passion dans un domaine qui attire autrement peu d'attention si nous ne sommes pas au courant de leurs motivations. Il faut également passer par-dessus nous doutes et tenter de nouvelles expériences - qui sait ce que nous en retireront. Le seul moyen d'en être au courant est de se lancer à l'aventure. Un film à la profondeur indéniable, Love And Death On Long Island est à voir absolument.

Une évaluation de Philippe St-Germain,
Copyright, 1998.

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